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Stripcropping au

Wisconsin, 1951

Source : Google Images, 2014

Source : Draft Master Plan, 2006

Évolution des semences sur 35 ans

Étude des écosystèmes voisins à FreshKills

Source : Draft Master Plan, 2006

Strates d'intervention du lifescaping

Source : Draft Master Plan, 2006

Lifescaping?

 

Le concept du « lifescaping » a été développé par le bureau new yorkais Field Operations dirigé par l’architecte paysagiste anglais James Corner. Le « lifescaping » est l’élément principal de la proposition qui a remporté le concours pour réaménager le site d’enfouissement de FreshKills en un parc appropriable par la population.

 

Le « lifescaping, » qui naît de la contraction des mots « life » (vie) et « landscape » (paysage), met de l’avant l’idée de réimplanter progressivement la vie sauvage sur un site délaissé pour tranquillement y recréer un « paysage ». Appliqué à Fresh Kills Park, le principe du lifescaping visera à recouvrir les montagnes de déchets d’un sol fertile pour y ramener, d’une part, un écosystème diversifié et, d’autre part, pour créer une plaine appropriable par les habitants et pouvant servir de lieu d’activités de plein air et d’activités culturelles.

 

Avant que la ville de New York commence à enfouir des déchets à Fresh Kills,  le site se présentait comme une vaste étendue marécageuse abritant un écosystème foisonnant. L’enfouissement de déchets sur le site pendant 53 ans a gravement détérioré l’équilibre de ce milieu de vie. En ce sens, l’idée du « lifescaping » est de rebâtir sur une période de 35 ans le milieu de vie de Fresh Kills tel qu’il aurait pu évoluer jusqu’à aujourd’hui.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sans l’intervention de l’homme, le site d’enfouissement de Fresh Kills serait laissé à lui-même. Au fil du temps, la nature reprendrait le dessus et les blessures qu’a subi l’écosystème se résorberaient progressivement. Le site deviendrait un « tiers paysage », un terme développé par l’architecte paysagiste français Gilles Clément pour qualifier les lieux qui sont laissés à eux-mêmes et qui demeurent en attente, « absents de décisions. » (2004 : 5) Exprimant « ni le pouvoir,  ni la soumission au pouvoir, » ces espaces « naissent par soustraction de la ville. » (2004 : 4) Le seul point en commun de tous ces fragments délaissés du territoire (friches autoroutières, lisières, bordures des champs ou ancien site d’enfouissement) est qu’ils sont tous des « refuges d’une diversité » d’espèces vivantes. (2004 : 4)  Le tiers paysage est présent dans tout aménagement, mais le potentiel de ces espaces n’est que rarement considéré.

 

Le parc de FreshKills et le concept du lifescaping offrent une vision progressiste à un site qui serait autrement laissé à lui-même. Ce projet, qui vise à transformer ce qui fut jadis le plus grand site d’enfouissement à travers le monde en un paysage appropriable, jette les bases d’une nouvelle façon de percevoir un « tiers paysage. » Il met de l’avant le tiers paysage comme un lieu de rencontre et d’urbanité contribuant à la qualité de vie et à l’espace public collectif.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quand les déchets deviennent paysage…

 

À sa fermeture en 2001, le paysage artificiel de FreshKills se composait de grandes montagnes de déchets. Pour mettre en place le concept de lifescaping quelques années plus tard, en 2007, la première étape a été d’isoler les déchets pour éviter toute contamination future. Les montagnes de déchets ont été recouvertes sous une couche protective totalisant environ un mètre. Celle-ci est constituée d’une bande de terre, d’une strate de pierres concassées et d’une membrane imperméabilisante. Des valves pressurisées percent les volumes de déchets en décomposition pour y récolter le méthane et le transformer en énergie pour alimenter en énergie les infrastructures sur le site ainsi que pour desservir les quartiers résidentiels avoisinants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les monticules de déchets ont ensuite été recouverts par de la terre déjà présente sur le site. Pour recouvrir les montagnes de déchets avec la terre, les connaissances de la main d’œuvre travaillant sur le site d’enfouissement avant sa fermeture et les infrastructures existantes ont été mis à profit.

 

Plutôt que de payer pour importer de la nouvelle terre, le sol du site a été « rénové » en utilisant le « strip cropping», une technique écologique, économique et éprouvée. Le strip cropping est utilisée en agriculture industrielle depuis plusieurs décennies aux États-Unis. Il consiste en la plantation de trois semences complémentaires en alternance qui, dans une croissance rapide, viennent enrober le dénivelé du terrain et le protéger contre l’érosion de l’eau et du vent. Le strip cropping a pour avantage d’augmenter rapidement au fil de quelques années la qualité organique du sol. Lorsque le sol gagne en richesse organique, il permet le développement d’un écosystème plus diversifié et plus complexe. En cela, le strip cropping répond à l’un des principaux objectifs du lifescaping, soit celui de permettre au maximum la réintroduction d’espèces vivantes sur le site.

 

Suite au strip cropping, l’approche paysagère employée à Fresh Kills est de faure confiance à la nature en lui laissant le « champ libre. » Au lieu de cantonner les plantes dans un lieu précis et de les organiser, les graines sont lancées et ce sont à elles d’organiser leur cohabitation.

Pour rétablir l’habitat naturel présent auparavant sur le site, les biologistes ont étudié dix sites dans aux pourtours de Staten Island. Ils ont cherché à comprendre quelles espèces natives composent le paysage de Fresh Kills et comment, au fil de 35 ans, ils pourraient être en mesure de réintroduire l’écosystème local riche et complexe qui peuplait autrefois ces landes marécageuses. Pour bien définir les seuils du parc, un anneau forestier de 240 mètres de large a été conçu comme couloir naturel pour les animaux. Cette limite forestière qui circonscrit Fresh Kills améliore la lisibilité des frontières du parc en plus de le protéger du bruit de l’autoroute.

 

Jeter, puis après?

 

Comme l’affirme Gilles Clément : « le tiers paysage peut être regardé comme la part de notre espace de vie livrée à l’inconscient. » (23 : 2004) Cette citation peut être mise en parallèle avec la façon dont la société perçoit la relation avec les déchets qu’elle produit. Nous prêtons peu d’intérêt au cycle complet d’un produit une fois que nous avons terminé son utilisation. Nous le jetons et nous l’oublions. L’existence d’un produit devenu obsolète est pourtant loin de se terminer. Celui-ci mettra plusieurs décennies à se décomposer dans un site d’enfouissement. Cette partie est laissée à notre inconscient. En cela, le projet de Fresh Kills Park est particulièrement porteur car il vient inscrire le site d’enfouissement dans un cycle de vie pour le consommateur. À travers ces monticules paysagers et appropriables, il stimule une nouvelle relation au déchet, l’une où celui-ci est compris, accepté et intégré dans un continuum qui va bien au-delà de sa date de péremption.

 

Le fait que ce projet de lifescaping se hisse sur ce qui fut jadis l’un des plus important sites d’enfouissement au monde est aussi fort symbolique et porteur d’un grand optimisme collectif. Dans la relation de « cohabitation » qu’il propose avec le déchet, il met de l’avant la prémisse d’un passage d’une société de consommation qui se prend davantage en main pour assurer son futur vis-à-vis la disponibilité des ressources et  leur usage plus réfléchit.

 

La théorie du tiers paysage de Gilles Clément met de l’avant que le processus de genèse de la ville et de l’aménagement du territoire amène aussi son lot de « déchets, » de fragments d’espaces délaissés. En ce sens, le projet de Fresh Kills transforme un site autrement à l’abandon en une richesse collective. Tout cela est aussi réalisé dans une relative simplicité avec l’approche paysagère du « champ libre. » En ce sens, Fresh Kills proposent des solutions intéressantes et optimistes à l’élimination du déchet, un enjeu urbain marquant du XXe siècle. Il sème les graines d’initiatives qui auraient avantage à être calquées ailleurs, que ce soit pour tous ces sites d’enfouissement délaissés ou bien pour ces parcelles oubliées qui naissent en soustraction de la ville.

Bibliographie :

 

CLÉMENT, Gilles. 2003. Le tier paysage. Paris : Éditions Sujet/Objet. 69p.

 

CORNER, James. 2001. "Lifescape." En ligne : <http://www.environmental-expert.com/Files%5C19643%5Carticles%5C5873%5Caatopos51.pdf>. Consulté le 4 novembre 2014.

 

 

 

Source : Google Images, 2014.

La nature reprend ses droits

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